Tuesday, May 20, 2008

Au bistrot Le Maître Chanteur, avec le duo Paquin-Landriault

un entrevue par A.B. du Baton Parole
A.B: Bonjour Monique Paquin et Landriault.

M&L: Salut

A.B: Nous sommes ensemble aujourd'hui pour parler de votre duo, duo de chanson. Vous êtes tous les deux auteurs-compositeurs, et vous avez choisi de vous rassembler. Racontez-nous un peu les origines de cette formation...

M: Ca remonte à 2006. J'avais été faire une prestation de 20 minutes-1/2 heure au Petit Medley dans le cadre des soirées Entre le Rouge et le Noir. Moi je chantais en solo depuis 2001. Ensemble on a fait une chanson des années 60 "Les Marionnettes", parce qu'à ce moment-là tous les lundis Landriault jouait une chanson des années 60-70. Et puis après on s'est dit que ce serait peut-être intéressant de faire une chanson ensemble.

"Moi j’étais curieuse de voir ça parce que nos univers sont complètement différents. Lui il vient du rock, moi c'est plutôt intimiste. Et on s'est dit qu'on allait essayer."

J'ai fait les paroles, il a fait la musique, et ça a donné naissance à notre première chanson qui s'appelle "Dans le parc". Ensuite on a continué notre collaboration. Maintenant on fait parole et musique ensemble, tout en faisant une chanson à nous une fois de temps en temps.

A.B: Sur scène, c'est vrai que chacun a quelques passages en solo
.

L: C'est ça. Et puis c'est vrai ce que disait Monique que nous venons d'un univers très différent, même musical. Sauf qu'on se reconnaît sur beaucoup de points, en discutant ensemble... On a fini par monter un show de 1h30 "Paquin-Landriault", en travaillant fort au-niveau de la musique, sur la compo, mais aussi en travaillant fort au-niveau de la conversation -ce qui n'est pas du travail quand on parle avec Monique, bien entendu...-. On a trouvé qu'on se rejoignait sur bien des points au-niveau du social. Et puis quand tu fais un duo, tu fais mieux d'aller chercher quelqu'un de différent plutôt que d'avoir un clone à côté de toi... Sur scène, ce que j'aime beaucoup c'est que moi je circule beaucoup, alors que Monique est très posée. Je verrai pas Monique devenir très gesticuleuse à coté de moi, ça ferait un peu singes...

"Donc c'est un duo qui a gardé ses individualités fortes, même ses lignes de pensée. On est pas d'accord à 100% sur tout et je le voudrais pas."

M: D'un côté, c'est sûr qu'on a beaucoup parlé mais on n'a pas eu non plus de grandes discussions philosophiques. C'est ça qui est intéressant c'est qu'on a beaucoup d'affinités. Quand on fait une chanson ensemble, on a pas besoin d'en parler des heures. Y'en a un qui commence les paroles, et puis l'autre continue, et ça se fait vraiment spontanément. On a pas de débat au sujet de ce qu'on pourrait mettre dans la chanson.


L: Au-niveau de l'écriture, Monique est très sévère. Moi je suis aussi sévère d'une certaine manière. Pour offrir aux gens des chansons, il faut que les textes soient bons, ce qui veut dire soient recherchés. IL faut pas que toute la salle se dise qu'elle aurait été capable d'écrire de même. Je suis un peu tanné -je disais ça il y a 30 ans et c'est vrai encore aujourd'hui- d'entendre à la radio "Je l'ai rencontrée dans la rue, elle m'a plu".
Aussi, pour les sujets, je voulais écrire une chanson depuis 20 ans sur la pédophilie des curés, des prêtres. Tout ce qui touche à l'enfance, Monique et moi on est très touchés, très sensibles à ça. Une toune comme J'accuse, tout le monde a été très surpris qu'elle ait été écrite par Monique Paquin. C'est même pas une influence de Landriault sur Monique Paquin, -d'ailleurs Monique elle n'est pas influençable- c'est vraiment qu'elle l'avait en elle...

M: T'as eu l'idée du sujet


L: Oui, j'ai donné l'idée mais c'est elle qu'a sorti le texte. Et quand je chante un texte de Monique Paquin -et d'habitude je chante pas les textes des autres- j'ai vraiment l'impression que je me chante moi-même.

"Elle a trouvé les mots que je n'aurais pas pu trouver."

A.B: C'est vrai qu'entre vous on ne sent pas du tout les individualités en conflit, vous avez réussi à créer quelque chose né vraiment de l'union de vos différences...

L: C'est vrai. Notre show s'appelle C'est la seule réalité, il est planétaire. La vie d'un Québécois, d'un Français, d'un Japonais, c'est la même dans un certain sens. Les gens n'ont pas la même culture, mais ils ont les mêmes sentiments, les mêmes émotions. Ils auront leurs peines d'amour, leurs peines tout court. Ils se demandent ce qu'ils veulent faire dans la vie.

"C'est pas un show de dénonciation, c'est juste dire c'est ça qui se passe à travers la planète. On le dit et on le chante. Il n'y a pas de sujet qu'on pourrait pas chanter."

C'est sûr qu'on ferait pas le festival de l'humour, mais... entre les tounes, c'est aussi important de mettre les gens à l'aise.

A.B: Vous disiez que vous vous rejoigniez sur les questions sociales, dans votre engagement. Comment alors avez-vous pensé les thèmes que vous abordez dans votre nouvel album ?

L: On n'y a pas pensé en fait... On essaie de vivre ce qu'on écrit. Monique parlait tout à l'heure de notre première chanson "Dans le parc". C'est pas une chanson sociale, c'est une toune plutôt intimiste de la part de Monique. Moi je voulais absolument travaillé avec Monique Paquin, fait que quand j'ai fait la musique, je me suis forcé. Habituellement, dans mes musiques il y a 5-6 accords, dans celle-ci il y en a 13... Ce qui ne veut pas dire que la musique est meilleure, mais je voulais apporter quelque chose qu'elle aimerait. La première toune après, c'est le titre du show et ça va être le titre du disque "C'est la seule réalité", là on est vraiment rentrés dans le sujet, mais on s'en était pas du tout parlé. Le refrain c'est Monique qui l'a écrit. on est parti de là pour créer la première vraie toune Paquin-Landriault. Le refrain dit que bien sûr que tout seul on peut pas avancer, mais que quand on est 2, 3, 4, 5, 10... on peut se rendre plus loin. Quand je pense à cette toune-là, beaucoup de monde nous dit que c'est dur à gober, qu'il y a beaucoup de textes dans nos chansons. C'est sûr que c'est dur la première fois mais ça c'est pas notre problème, c'est celui du public que de se résoudre à les gober...

"Nous, on ne fera pas de compromis sur l'écriture."

Je me souviens d'une phrase sur un bidonville en Argentine, aussi à propos de 40 millions de sidéens sur la planète -on avait mis au départ 25 millions-, on a vérifié sur Internet pour tout ça. C'est important de pas dire n'importe quoi. C'est important de dire notre vérité. En fin de compte, on fait le show pour faire bouger les choses, pour faire bouger notre intérieur aussi. Il faut que ça te bouscule en-dedans de toi-même. Dans notre show, on essaie de faire entrer le public dans notre bulle. C'est des émotions qu'on envoie, c'est des émotions de la salle qui nous reviennent.

"Et je pense que c'est ça un tour de chant, c'est pas seulement un show c'est un état d'âme, un grand acte d'amour. C'est la seule réalité."

A.B: Vous avez choisi comme accompagnement simplement le piano. Pouvez-vous nous expliquer ce choix ?

L: Quand j'avais 17 ans, je chantais seulement au piano. On veut faire passer les mots et on veut prouver aussi que tu peux avoir l'orchestre symphonique de Montréal en arrière de toi, ta chanson sera pas meilleure, enjolivée peut-être, il y aura de la puissance... Je pense qu'avec simplement un piano, notre duo Paquin-Landriault est capable d'être aussi puissant que si on avait l'orchestre symphonique de Montréal. C'est pas la force d'un orchestre qui fait la force d'un show, c'est la force des personnages qui le chantent. Et la pianiste est très bonne, Sophie Drouin. Elle est entrée dans notre bulle. C''est pas Notre pianiste, elle fait partie intégrante du show C'est la seule réalité. Sophie Drouin c'est aussi une amie. Nous ne travaillons qu'avec nos amis. Sur le disque Dans le parc, il n'y a qu'une toune à la guitare et c'est avec Paul Paulin, un auteur-compositeur qu'on connaît. On ne travaille pas avec des pigistes, on veut pas.

M: Quand on a commencé à travailler avec Sophie Drouin. Tout de suite on a vu... Premièrement, son jeu.

"Elle joue avec beaucoup de caractère, et en même temps avec beaucoup de subtilité. Et on a vu que ça allait être l'harmonie entre nous trois."

Il n'y a rien qui cloche, ça roule parfaitement. On ne pouvait pas trouver mieux, je pense.

L: Dans notre show, il y a des choses extraordinaires qui se passent. Extraordinaires et pénibles en même temps. Lorsqu'on chante certaines chansons, on voit des gens pleurer. On ne s'amuse pas de voir les gens pleurer, mais on voit la détresse en chacun. On n'essaie pas de plaire à tout le monde, ni à nous-mêmes d'ailleurs. On essaie seulement de dire ce qu'on a à dire et de la manière dont on veut le faire, et on se jette à l'eau. Mais de voir autant de réactions, c'est impressionnant ! C'est une victoire dans un sens mais c'est aussi se dire, mon dieu qu'il y a de la détresse humaine.

"Il y a beaucoup d'au secours et pas beaucoup de gens qui les voit. Avec Monique, on n'a pas peur des mots, même si ça fait mal."

M: C'est ça. On ne va pas s'empêcher de parler de souffrance, de la mort, parce que ça fait pleurer des gens. Tout ça, ça fait partie de la vie, ce qui ne veut pas dire qu'on n'a pas des sujets plus joyeux.

"On n'a pas la conception d'un show pour faire absolument rire les gens, leur changer les idées, les divertir."

Notre spectacle il dit des choses de la vie, donc ça inclue aussi les choses difficiles.

A.B: Ma dernière question concernera votre implication dans et pour l'Infringement Festival.

L: J'ai fait le show bénéfice il y a 5 ans avec l'Infringement. J'avais été à une conférence de presse uniquement anglophone et ça m'avait fait chier. Jason, l'année passée, m'a demandé si je voulais impliquer le bistrot dans le Festival pour le volet francophone. Je lui ai répondu qu'ils s'organisaient mal et que c'était pas qu'ils manquaient de respect aux auteurs francophones mais que c'était lié à un manque d'organisation.

"Donc, je lui ai dis si j'embarque, j'organise!"

Cette année j'ai remis ça dans les mains de Monique Paquin. C'est même pas sous ma direction, c'est à 100% elle. On se parle bien entendu comme on se parle en duo. Cette année ça va être encore meilleur que l'année passée parce qu'elle s'est vraiment donnée corps et âme. Elle me parle seulement de l'Infringement depuis un mois!

M: C'est quand même 24 jours consécutifs, avec au moins deux artistes par soir. Il y a même des soirées spéciales, la nuit de la poésie, par exemple, et puis d'autres avec plus d'une douzaine d'artistes.

"Va y avoir du monde, et c'est une grande variété d'artistes."

On ne peut pas dire qu'on ait fait des critères de sélection stricte pour avoir seulement un type de musique, c'est très large. C'est vraiment des gens de tous âges, de tous les genres musicaux.

L: Je nous considère comme des chanteurs sociaux, des gens qui, avec leur écriture, veulent faire bouger les choses. Mais c'est sûr qu'il faut pas oublier de faire des choses concrètes dans notre cheminement. Par exemple notre action avec les enfants de Béthanie, un organisme qui aide
les enfants sidéens, avec les soirées Sourire d'enfant. Dans Infringement, on agit aussi. C'est, je pense un très bon Festival, qui est malheureusement mal connu, parce que c'est le Fringe qui est plus connu. Mais je pense que de plus en plus, l'Infringement s'en va sur le bon bord, avec des gars comme Jason. C'est mon copain! Il est capoté des fois, mais il s'investit corps et âme, avec sa folie, dans l'Infringement.

"Cette année, du 5 au 29 juin non-stop, ça va être formidable!"

Il y a même une soirée Infringement le 9 juin au Petit Medley. C'est le fun de s'associer avec du monde qui est fou. Moi j'ai 58 ans, et le jour où je perdrais ma naïveté et ma folie de mes 15 ans, je pense que je vais mourir. Il faut que je reste naïf. C'est comme le bistrot ici, qui dure depuis 18 mois. À chaque fois on pense qu'il va fermer et il ne ferme pas, simplement parce que j'ai la folie de vouloir qu'il reste ouvert. Pourquoi ? Parce qu'on a fait chanter 150 auteurs-compositeurs ici, depuis un an et demi. ça devient une place où le monde peut rencontrer du monde qui crée.

"Cet échange-là avec la création, moi j'y crois à 3000%."

Ce qu'on a écrit Monique Paquin et moi, personne n'aurait pu l'écrire parce que ça vient de nous deux. Et comme tous les auteurs-compositeurs, c'est vraiment ça... aller puiser vraiment au fond. Je dis souvent que les auteurs-compositeurs écrivent avec leur sang et c'est vrai. Souvent, ils leur reste que ça dans la vie, l'écriture.

M: L'Infringement ça va être l'occasion rêvée pour venir découvrir l'ambiance du bistrot et surtout la qualité et la variété d'auteurs-compositeurs qu'on a ici.


A.B: Merci beaucoup, et votre date pendant l'Infringement ...?

L&M: C'est le 5 juin, pour l'ouverture du festival, avec Martin Robichaud qu'on voulait absolument faire découvrir.

Duo Paquin-Landriault
Martin Robichaud
Maitre Chanteur, 3425 St-Denis
21h entree libre

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